Les trois défis pour les socialistes wallons (2020 -2030)

Depuis le 26 mai 2019, nous sommes passés du stade de la négociation politique sans fin et sans issues (alliance PS-NVA dans laquelle les partis de droite veulent absolument enfermer le PS – coalition Vivaldi « contournement de la NVA » dont le CD&V dit toujours non …) à l’épisode dramatique du Covid19 avec un gouvernement provisoire d’union sanitaire qui tiendra encore quelques semaines. Cette pandémie a surtout montrée, comme tout épisode de cette nature dans l’histoire, les failles de notre société (institutions, valeurs de la société, fragilité du modèle économique, inégalités criantes où ce sont les maillons les moins considérés par certaines tranches de la population qui ont montré qu’elles tenaient la société à bout de bras : Infirmières, médecins, éboueurs, policiers, professeurs, enseignants, …).

Passé ce cap exceptionnel du Covid19 avec toutes ses conséquences, on retourne politiquement au monde d’avant, c’est à dire à nouveau dans une phase de négociation politique pour former un nouveau et très hypothétique gouvernement fédéral.

Malgré un contexte social et économique plus favorable aux idées de la gauche (refinancement des soins de santé, plan de relance, …), les lignes de force bougent un peu mais les rapports de force électoraux n’ont pas vraiment changés depuis 2019. Le dernier sondage politique, qui glace, montrerait une accélération des phénomènes politiques observés politiquement et électoralement en mai 2019…

Pour les socialistes wallons, la période qui vient, les prochaines années vont être excessivement compliquées à gérer et l’équation à mettre en place bien difficile.

Trois défis (qui s’entrechoquent) doivent être réglés en même temps et les enjeux peuvent être contradictoires ce qui ne va pas être simple et nécessiter les choix :

A) Assurer une 7ème réforme de l’Etat rendue inévitable avec un renforcement des régions

B) Obtenir des avancées sociales (du moins dans l’immédiat…) pour répondre à notre électorat sous peine de ramasser une dégelée électorale

C) Procéder au réajustement de l’échelon infra-régional et de la Communauté française

A) Réforme de l’Etat … Inévitable

D’un côté, la question communautaire n’est pas réglée. Loin de là… La 6ème Réforme de l’Etat aura duré 10 ans. On est loin de la stabilité retrouvée et du « j’ai sauvé la Belgique de notre ex-président Elio Di Rupo ». Certes, Paul Magnette pense, comme d’autres, que le temps actuel permettrait une refédéralisation de compétences . Il faut être vraiment naïf pour penser qu’on arrivera à une solution comme celle-là. Même le Spa de Rousseau parle de maintien de la sécurité sociale au niveau fédéral mais d’une … gestion régionale. Un premier pas vers la déconstruction de la sécurité sociale sans en dire vraiment le non. Mais au fond, le président national du PS Wallonie-Bruxelles y croit-il vraiment ?

Lorsqu’on analyse la situation, jamais la 7ème réforme de l’Etat n’aura été aussi proche et les choix à effectuer compliqués à réaliser … On peut certes essayer de parler de refédéralisation, de former un gouvernement de « bonne volonté » comme le dit notre ancien président Elio Di Rupo, le résultat reste le même, il faudra bouger sur l’institutionnel… Notamment et jongler avec des revendications de droite

La question est de savoir à quelle date ? Maintenant ou en 2024 ? et surtout comment et avec quelles conséquences ?

C’est à reculons que les socialistes wallons vont sur ce terrain. Ne parlons pas des socialistes bruxellois même si beaucoup constatent qu’il faudra bouger aussi sur ce point (pensons à Charles Piqué mais les régionalistes bruxellois sont bien présents…). Toutefois, on a pu lire que ce sont, en partie des mandataires bruxellois socialistes qui ont bloqué les pré-négociations du PS avec la NVA en mars dernier et mis en difficulté le président en plein Bureau politique … Rapport de force interne avec les grands barons rouges ?

Le défi pour le PS sera simple, comment maintenir une sécurité sociale au niveau fédéral ou post-fédéral en essayant de perdre le moins possible financièrement et surtout en évitant de contredire le deuxième défis, obtenir un retour du coeur visible , augmenter les dépenses sociales…

Quelques journalistes et politiques ont indiqué que des discussion avaient eu lieu sur des compétences à régionaliser… Nous pensons qu’un deal pourrait être trouvé à savoir maintien de la Sécurité sociale au niveau fédéral ou post-fédéral avec quelques avancées sociales et des refinancements (histoire de montrer qu’on a fait quelque chose) versus régionalisation de pas mal de compétences fédérales vers les régions et communautés comme la justice, la police (c’est à dire prise en charge totale par les régions des zones de police, des zones de secours, …), les résidus de compétences fédérales en matière d’agriculture, de commerce, la régionalisation des musées fédéraux, la fin du Sénat actuel voire l’ idée de nos braves camarades du Spa, d’une régionalisation de la gestion de la Sécurité sociale (la sécu restant fédérale …) avec mécanisme de responsabilité accru des régions.

On peut également y ajouter une plus grande autonomie fiscale des régions , sorte de 6ème réforme de l’Etat approfondie mais je laisserais le soin aux fiscalistes de nous éclairer sur ce point…

On peut penser que c’est ce scénario que les négociateurs PS a en tête même si les discours musclés du « On ne lâchera rien » est toujours de mise. Un grand classique politique. Pour ceux et celles qui ont de la mémoire, je renvoie à 2010 et aux discours de l’époque. Il suffit d’avoir de la mémoire. … Il faudra bien passer par une 7ème réforme de l’Etat, le tout est de gagner du temps, d’avoir des totems sociaux visibles maintenant (quitte à les payer plus tard par la population) et enrobés de grands discours et punchlines sur facebook …

Seul problème, … pas sûr que la solution soit celle-là. Plusieurs partis flamands voudront aussi des totems (régionalisation de certaines compétences de sécu, autonomie fiscale large, diminution des transferts nord-sud….). Le curseur devra encore être placé… Il est possible que la fin progressive des mécanismes de solidarité émises lors de la 6ème réforme de l’Etta soit de mise plus rapidement … Bref, ce n’est pas gagné …

La question centrale sera donc la suivante : pourrons-nous avoir un gouvernement de plein exercice en 2020 ? 50-50 disent certains…

Si nous formons un gouvernement, il pourrait être provisoire et de crise économique avec un plan de relance payé plus tard et uun retour aux urnes en 2022. Pour les nostalgiques de la fin des années 70 … La terreur du dernier sondage pour les partis flamands en particulier pour la NVA pèserait lourdement dans les esprits … C’est possible… Je suis sceptique et pense plutôt que nous allons retourner aux urnes lorsque la situation sanitaire le permettra … probablement en 2021. On gagnera du temps avec quelques mesures de relances économiques … payées plus tard. Il conviendra alors de procéder aux articles à réviser pour permettre ce mécanisme de négociation en s’assurant du deal décrit ci-avant (sécu renforcée , refinancement verses régionalisation de compétences vers les régions et responsabilisation accrues des régions sur le plan fiscal…).

On me répondra , on ne lâche rien … Et on ne procède à aucun article à réviser … Pas de réforme de l’Etat. Je dis casse-cou … La question institutionnelle et communautaire devra être traitée pour retrouver une stabilité temporaire dans cette Belgique confédérale (elle l’est déjà partiellement en fait …)

B) Avancée sociales et écologiques : le monde d’après ?

La problématique de la pandémie du Covid19 a montrée toutes les failles du système économique actuel, a amplifié les inégalités et montré toutes les abbé rations de l’idéologie néo-libéral (réduire le rôle de l’Etat, flexibilisation massive des travailleurs , mondialisation à tout crin avec une hyperdépendance de notre pays face à certains produits, réduire les charges sociales c’est à dire les cotisations sociales servant au financement des sécurités sociales, théorie du ruissellement .. ) … On connaît trop bien la bible des grand penseurs néo-libéraux ou sociaux-libéraux dont apparemment le président du MR (et une bonne partie des mandataires MR… Au passage pauvres libéraux sociaux s’ils en restent …) sur son aile droite et le VLD restent soudés…

Face à cela, la pression est maximale pour changer de paradigmes … Une société plus juste, plus écologique, plus égalitaire est demandée … Même si 50% de la population veut retourner au monde d’avant, consommer, « business as usual » … Et que le matraquage est permanent .. Consommateurs, consommez pour le PIB

Face à cela, le PS se sent pousser des ailes dans sa rhétorique « Je rêvais d’un autre monde » comme de celle des écologistes et de la gauche radicale … Problème, .. Le PS wallon doit se coltiner le MR à l’échelon régional et il n’a pas les mains libres … Il fait une gestion sociale-démocrate

Un monde nouveau est demandé, au fond comme après la crise des subprimes en 2008 et la crise économique de 2009… Pas sûr que les bonnes intentions seront suffisants à l’instar e ce que peut dire l’économiste et philosophe Frédéric Lordon ( https://blog.mondediplo.net/-La-pompe-a-phynance- ).

De plus, il ne faut pas attendre du parti, au logiciel social-démocrate verdie malgré son vernis écosocialiste, de grands miracles. Ce n’est pas ce dernier qui renversera la table, ni ne renversera le modèle économique , lui qui l’a accompagné avec des boucliers sociaux ( Vous souvenez-vous du socialisme bouclier de Busquin ? … Ben, on a vu …) . Tout au plus, aidé par une poussée sociale, pourra-t-il avoir des avancées sociales et un refinancement de la Sécurité sociale couplées de mesures écologistes …

Pour les socialistes walons, il faudra aller le plus loin possible socialement au niveau fédéral et tirer son avantage tout en devant négocier avec le MR au niveau wallon qui privilégie son électorat (commerçants, indépendant,s agriculteurs).Je ne parle pas des 20 milliards de trou du Fédéral en 2020.

Cela ne sera pas simple à gérer surtout avec un PTB en embuscade, une gronde sociale qui pourrait surgir débordant le FGTB et les syndicats et en plus en devant négocier une … 7ème réforme de l’Etat qui pourrait coûter à la Wallonie …

Croisons les doigts pour que les Classes moyennes ne décrochent pas socialement car c’est la porte ouverte à tout épisode pré-révolutionnaire

Si on rajoute à cela le fait qu’il faudra gouverner au niveau fédéral, … comme indiqué précédemment, retrouver 20 milliards ne sera pas évident et on voit mal comment il n’y aurait pas de rabotages budgétaires … Si on ajoute le propre déficit de la Wallonie … et la faillite budgétaire de la Communauté française qui pourrait se retrouver comme en 1993 dans une situation inextricable … Les jours heureux pourront être comptés sur les doigts d’une main …

Les socialistes wallons pourraient refuser de négocier , rester dans l’opposition au fédéral mais il n’est pas sûr que nous y gagnions électoralement … Le PTB reste en embuscade et Ecolo est là même s’il y a une aile droite bien marquée dans ce parti… De plus, nous gouvernons au niveau régional et c’est à cet échelon que les blocs de transfert de compétences du fédéral vont aboutir … Et les difficultés aussi

Idéalement, c’est le moment d’un basculement de société et de renversement du modèle consumériste et capitaliste … Problème, le PS reste sociale-démocrate, il restera dans sa ligne au risque de continuer son déclin comme ses partis frères européens (on me citera le Portugal comme contre-exemple et l’Espagne, … Mais pour le reste, … )

Pour résumer, le PS doit continuer « à marquer » … Après sa gestion du Covid19 et les mesures d’aides au niveau wallon, il faudra procéder à une relance économique (on a vu le Plan de relance de 35 milliards proposé), approfondir les déficits au risque qu’après le retour du coeur, on ne rejoue l’épisode « Plan Global 2 : le retour »

C) Procéder au réajustement de l’échelon infra-régional et de la Communauté française

On le voit, les socialistes wallons sont confrontés à deux défis énormes : procéder à une réforme de l’Etat sans trop y perdre financièrement, continuer les mesures d’aides sociales et économiques depuis mars 2020 et obtenir du fédéral un refinancement de la Sécurité sociale, des bas salaires … Bref , obtenir des avancées sociales pour éviter un débordement social et être laminé électoralement

Il reste donc, un dernier point … Le niveau infra-fédéral et infrarégional … que je qualifierai de gestion de la misère budgétaire interinstitutionnelle

  1. La Communauté française, déjà en très mauvaise posture budgétaire, vole dans le rouge et est, selon moi, même si on aimera pas le terme que j’emploie en future faillite budgétaire. La situation de 1993 risque de se reproduire même sans 7ème réforme de l’Etat et le transfert de certaines compétences. Si on ajoute les demandes criantes des acteurs culturels légitimes, du monde de l’enseignement, etc… jusqu’en 2021 et tant d’autres points, … Cela risque d’être compliqué. Pour l’instant, la Communauté française, déploie ses aides mais pour combien de temps encore ? les régions vont donc être appelées à l’aide dans les prochaines années et sans doute à un très mauvais moment… Le seul point positif sera que l’on pourra opérer … enfin, … un transfert des compétences communautaires vers les régions et les agencer pour avoir un projet wallon cohérent . Si on pouvait profiter de cette 7ème réforme de l’Etat pour prévoir une gestion institutionnelle intra-fédérale
  2. La Wallonie ne se portait déjà pas bien budgétairement … Si on rajoute les mesures actuelles, les pertes de recettes , les appels au secours des pouvoirs locaux, le sous-financement fédéral de certaines politiques ( CPAS, zones de secours, de polices, …) … Et en plus les conséquences budgétaires de la 6ème réforme de l’Etat dès 2024 si rien ne change … la gestion de compétences supplémentaires et les charges qui vont advenir avec de la 7ème réforme de l’Etat …… Les choix vont être douloureux pour la Wallonie sans compter le naufrage de la Communauté française …
  3. Les pouvoirs locaux: Une commune n’est pas une autre … Un CPAS dans une localité n’a pas les mêmes difficultés qu’un autre dans une autres région plus défavorisée socialement mais toutes « encaissent » les conséquences de la crise Covid19, la crise économique qui s’annonce et les recettes en baisse certaines en 2020-2021. Si on ajoute la complainte des charges des zones de police et des zones de secours, des pensions de leurs agents … Cela promet des jours heureux pour les élus locaux …Endettement renforcé et demande d’aide à la Wallonie … Les Provinces wallonnes qui tenaient la corde budgétaire se voit refiler le financement des zones de secours à hauteur de 60% à l’horizon 2024. Une asphyxie programmée… Et comme les Communes vont revenir à la charge avec le coût des zones de police, nul doute qu’après 2024 (voire avant …) , les Provinces seront incitées à aider financièrement le coût de ces ces zones. Partout la gestion de la misère budgétaire . Si on ajoute les conséquences de la 6ème réforme de l’Etat, des nouvelles charges du Fédéral vers les pouvoirs locaux dans le futur avec la 7ème réforme de l’Etat …

La gestion de la misère budgétaire va être un véritable défis alors que les demandes affluent (lutte contre la pauvreté, refinancement des services actifs dans le social…)

Ici également, une refondation du niveau infrarégional devra être de mise … Des fusions de communes s’imposent inexorablement par exemple. La problématique supracommunale devra être repensée … La gestion de la misère budgétaire va obliger à faire des réformes plus rapides et sans doute plus en profondeur que par le passé

En conclusion, je peux dire simplement que les prochaines années seront déterminantes pour les socialistes wallons. Les marges de manœuvres seront étroites et l’équation périlleuse …

A) Préparer la 7ème réforme de l’Etat sans trop perdre financièrement et retarder les effets négatifs des pertes issus des transferts Nord-Sud… Tenter de montrer qu’on a eu des avancées sociales maintenant et visibles …quitte à payer plus tard

B) Tenter du basculement actuel et d’une remise en cause actuelle du modèle économique pour gagner des avancées sociales , continuer un plan de relance écologique en réel… Ne pas désespérer « Billancourt » en continuant des discours de gauche radicale pour ne pas se faire déborder par le PTB, continuer un green deal avec les moyens budgétaires qu’ils nous restent pour ne pas laisser filer Ecolo et éviter un crash des Classes moyennes sous peine d’entrer dans un cycle « Gilet jaune » renforcé … Alors qu’il faudrait profiter de ce moment pour bousculer le capitalisme, on maintiendra le pouvoir d’achat des consommateurs , …

De même, la Particratie étant tellement décriée, un changement de système politique peut advenir si les réponses apportées sont insuffisantes. Il est même souhaitable. Comme indiqué dans un précédent article, sans démocratie interne et la fin progressive d’une verticalité digne du XIXème siècle, la structure PS affaiblie en interne risque de ne pas tenir … Il ne faut toutefois pas compter sur nos grands barons rouges, ni sur notre président pour des réformes ambitieuses de gouvernance interne… Je n’y crois plus …

C) Redéfinir l’espace infrarégional … Le Ministre Demagne avance en terrain difficile ( et sa démarche est constructive…) mais le temps presse … Quant à la Communauté française, il faudra bien anticiper son naufrage budgétaire à terme …

Au fond, pour clôturer cet article par une phrase, je dirais, pour les socialistes wallons, qu’il faudra assurer ce slogan :  » Confédéralisme social et réformes de structures »…

Publié par Dogan Vancranem

Blog de réflexions politiques

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